LUCIENNE D., à noté
Dans un chaleureux décor années 30, Franck Dupas aux fourneaux et son fils Marius Dupas en salle proposent une cuisine qui fleure bon la tradition, avec une carte fidèle aux incontournables de la brasserie parisienne.
Devenu l'emblème de la restauration contemporaine, le bistrot nouvelle tendance a métamorphosé la sociologie gastronomique de la capitale. Signe des temps, ce retour à une simplicité plus authentique témoigne d'un besoin de convivialité et de renouveau pour ceux qui délaissent le restaurant conventionnel. Ainsi fleurissent, avec plus ou moins de bonheur, les petites tables à prix sages où la formule vire parfois à la fantaisie ou à l'exotisme.
Puisqu'il en faut pour tous les goûts, personne ne s'en plaindra, même s'il arrive parfois que la gamelle se perde en conjectures. Aussi le gastronome resté attaché aux fondamentaux se réjouit-il chaque fois qu'il retrouve ses bases autour d'un plat fleurant bon la tradition bourgeoise telle qu'on est en droit de s'en régaler dans un bistrot parisien.
Supplément organoleptique
Blottie dans un coin tranquille du IXe arrondissement, entre Pigalle et La Trinité, L'Annexe donne dans le genre avec ce petit supplément d'âme propre aux sites ayant su préserver leur cachet d'antan.
Installé ici avec son complice Laurent Bourreau, qui anime la salle et le service, Franck Dupas, chef patron de ce repaire sacrément canaille, que Julien Duvivier ou Georges Lautner auraient apprécié pour tourner une scène de ripaille bien arrosée entre Gabin et Ventura, a le bon goût de perpétuer des plats conformes à l'esprit des lieux, et surtout, de les préparer avec son cœur. Voici de la cuisine de bistrot, de la vraie, non pas que l'autre soit bidon, mais celle-ci est tellement meilleure quand la terrine taillée au couteau ressemble à de la terrine et que l’œuf mayo frais minute sort du cul de la poule. Simples nuances qui font la différence à l'heure où le prédigéré perturbe parfois la destinée de l'assiette.
Formé à l'école du civet qui mijote à feux doux sur le fourneau à bois, par un certain père Madeleine, maître queux du côté de Vesoul, Franck Dupas ne connaît pas la fausse note. Souriant, passionné, inquiet du moindre détail, il ignore la mièvrerie et mitonne avec ferveur.
Chaud gourmand, son velouté de potimarron à la crème de parmesan sonne juste et caresse le palais en douceur, autant que le céleri rémoulade aux queues d'écrevisses et pommes granny, croquant acidulé, titille la papille.
Bien à leur place dans ce décor années 30 pur Jus, les poireaux crayons à la vinaigrette rendent le leur avec exquise délectation. On ne demande rien d'autre à la maison que de tenir sa promesse, celle de donner à manger aux appétits sincères, exercice où excelle Dupas avec un dos de cabillaud rôti aux girolles, ferme, nacré, massif, mais aussi l'admirable foie de veau, tranché dans son épaisseur, cuit à vif puis doré au beurre et servi sur une réduction de vinaigre balsamique avec une onctueuse purée de patates douces ou, si la cueillette a été belle, une poêlée de girolles et tombée de cive.
Une généreuse adresse qui renoue avec le charme discret du bistrot parisien à l'ancienne.